L’histoire de la Lorraine et celle de Rome, ou plus précisément celle de la Papauté, ont toujours été étroitement liées. La Lorraine a historiquement joué un rôle important dans l’histoire de la Papauté au milieu du Moyen Âge. Le Pape Léon IX (qui repose en Moselle à Dabo), qui fut Evêque de Toul, est connu pour avoir été un grand réformateur de l’église universelle. En partant pour Rome en 1049, le nouveau pape se fait accompagner par des hommes d’Eglise éminents, attachés à l’idée de réforme et qui amplifièrent encore son œuvre.
Parmi ceux qui appuient ces réformes figurent de nombreuses personnalités d’origine lorraine. On se reportera à cet égard avec profit aux écrits toujours pertinents et particulièrement fouillés de Simone et Hubert COLLIN (cf bibliographie).
Après la fin du schisme et de l’exil d’Avignon, au retour de la Papauté à Rome, les Lorrains reprennent le chemin de la Ville Eternelle. Les Lorrains, qui sont francophones, sont estimés parce qu’indépendants du Roi de France. En effet, ils sont sujets d’un Etat souverain et distinct du puissant voisin français. Les Lorrains occupent ainsi nombre d’emplois majeurs au sein de la Curie pontificale, l’organe bureaucratique central chargé d’administrer les affaires de la Chrétienté.
En 1473, le Pape Sixte IV crée la Société des Quatre Nations ultramontaines, quatre groupes de francophones d’au-delà des Alpes et leur confie l’église Saint-Etienne, aujourd’hui disparue. Cette église devient l’église paroissiale de la « Purification des Transalpins ». Le souvenir de cette église demeure néanmoins puisque son portail est conservé dans le cloître de Saint-Louis-des-Français. L’écu des Quatre Nations y demeure également sur les écussons de celle-ci : fleur de lys pour la France ; croix de Savoie ; croix de Jérusalem pour la Nation des Lorrains ; lion, billettes et croix de Saint-André pour la Nation des Francs-Comtois de Bourgogne.
Le 2 avril 1478, Sixte IV érige une Congrégation de Saint-Louis et regroupe ainsi tous les « curialistes » de langue française.
En 1518 est posée la première pierre de Saint-Louis-des-Français, entre le Panthéon et la fameuse Piazza Navona. La construction de cette église – qui va devenir l’église des francophones – va durer soixante dix ans ! Mais que deviennent les Lorrains dans cet ensemble ? Au moment où commence la construction de Saint-Louis-des-Français, soixante dix « notaires » lorrains exercent à la Curie. Les Lorrains représentent deux cents chefs de famille, ce qui est assez considérable. Vers la fin du XVIème siècle, une confrérie Saint-Nicolas et Sainte-Catherine existe au sein de la Congrégation de Saint-Louis.
Le Pape Pie V confirme en 1571 la possession d’une chapelle dédiée à Saint-Nicolas dans Saint-Louis en construction.
En 1587, se forme une « Confraternité de Saint-Nicolas et de Sainte-Catherine de la Nation de Lorraine et du Barrois ». Désormais, la Confraternité des Lorrains acquiert son autonomie. La première chapelle dédiée à Saint-Nicolas et érigée dans l’église Saint-Louis-des-Français existe toujours. Cette chapelle – la deuxième à gauche en entrant dans l’édifice – est décorée de fresques murales du bolognais BALDESSARINO, représentant des scènes de la vie de notre Saint Patron.
Le retable montrant un Saint-Nicolas bénissant est de Gerdamo MUZIANO. Sur les murs latéraux, figurent les images de Sainte-Marguerite et de Sainte-Catherine, œuvres de Girolamo MASSEI. Dans le sous-sol de la chapelle, une crypte accueille la sépulture de défunts Lorrains prestigieux, dont l’illustre peintre Charles MELLIN inhumé en 1649 et dont l’œuvre a été récemment redécouverte grâce à une exposition exceptionnelle organisée au Musée des Beaux-Arts de la Ville de Nancy.
Le chantier de Saint-Louis se termine en 1589. En 1612, meurt le sculpteur lorrain Nicolas CORDIER. Par testament, il lègue 500 écus à la Confraternité pour la construction d’une église qui accueillerait tous les Lorrains. C’est le changement de régime administratif qui détermine les Lorrains à fonder leur propre église. En effet, en 1621, le pape décide de modifier la composition du Conseil d’Administration de Saint-Louis qui devient alors une église purement française.
Grégoire XV, connaissant la dévotion toute particulière des Lorrains pour Saint-Nicolas leur donne la vieille église « San Nicola in Agone » par une bulle « ad perpetuam rei memoriam » du 5 octobre 1622 rédigée en ces termes : « les Lorrains, fils du vieux royaume d’Austrasie, se distinguent de temps immémorial dans la Curie romaine, tout à l’honneur de celle-ci et du Siège apostolique, par leur parfaite intégrité et leur dévouement infatigable. Aussi le Pape est-il tout disposé à écouter leurs instances, tout inspirées de leur dévotion envers Saint-Nicolas, protecteur et patron des duchés de Lorraine et de Bar, et à leur donner un lieu commode et connu à Rome, pour leurs réunions et les pieux exercices de leur Confraternité, à l’instar des autres nations qui ont leur groupement dans la ville ».
Les Lorrains choisissent alors un compatriote pour exécuter cette opération qui s’achèvera en 1636. Il s’agit de François DESJARDINS, dit aussi GIARDINI, né à Toul en 1601, d’une famille nancéienne au service de la Cour ducale. François DESJARDINS vit à Rome dès 1625 et travaille comme architecte avec de nombreux artistes dont Claude GELLÉE ou Nicolas POUSSIN. On ne lui connaît que cette église. Il rentre à Nancy en 1666 et y meurt en 1676.
Cette église est celle que nous avons sous les yeux aujourd’hui à la différence qu’elle est blanche intérieurement. Elle sera entièrement décorée au XVIIIème siècle. Les années passent ensuite dans une relative sérénité jusqu’à la Révolution Française, époque de grands bouleversexments.
D’abord, la fin de la Monarchie en France entraîne une modification du régime administratif des églises et de biens français à Rome. Le Cardinal de BERNIS est nommé gérant de ces biens, mais il meurt en 1794. Puis les troupes du Directoire envahissent les Etats de l’église. La Confraternité des Lorrains tient sa dernière séance le 5 février 1797.
Le Traité de TOLENTINO (19 février 1797) impose une très lourde rançon à la Papauté. Toute l’argenterie des églises de Rome doit être envoyée à la fonte. Celle de Saint-Nicolas n’est pas épargnée. L’inventaire indique l’existence de six grands chandeliers d’autel en argent ; trois bustes d’argent représentant Saint-Nicolas, Saint-Léopold et Saint-Louis ; quatre lampes et un reliquaire d’argent ; des cadres de canons d’autel en argent ; trois cent quarante quatre ex-voto en argent ; des couronnes d’argent pour statues ; des ciboires ; des calices, …
De nombreux troubles émaillent cette période révolutionnaire : c’est ainsi que l’église est visitée et vidée de beaucoup de ses tableaux.
La République romaine est proclamée en 1798. Le Pape Pie VI est chassé et meurt prisonnier en France en 1799. Mais BONAPARTE impose la paix religieuse et signe le Concordat avec le Cardinal CONSALVI, Secrétaire d’Etat du Saint-Siège. En 1816, l’Ambassadeur de France à Rome, le Duc de BLACAS, confie les sept fondations pieuses de la France à l’administration d’une congrégation unique. En 1891, cette congrégation devient « les Pieux Etablissements de la France à Rome et à Lorette », toujours présidée aujourd’hui par l’Ambassadeur de France auprès du Saint-Siège.
L’église de Saint-Nicolas-des-Lorrains, et l’immeuble adjacent, qui aujourd’hui abritent la Communauté de Saint-Jean, animatrice spirituelle de l’église, relèvent toujours de son autorité.