Messe de la Solennité de Saint Nicolas
Église de Saint Nicolas des Lorrains à Rome ,le 6 décembre 2019.
« Chers Amis de Saint Nicolas des Lorrains,
Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,
Une fois encore, à la grâce de Dieu, saint Nicolas nous réunit, de la Lorraine à Rome, et de la terre au ciel. Je célèbre cette messe pour notre regretté Baron Guerrier de Dumast avec qui durant tant d’années nous avons prié en cette église qu’il n’a eu de cesse d’entretenir et d’embellir, dans une double et même fidélité à la Lorraine et à Rome, réunies dans le culte de saint Nicolas. Fidélité lorraine et romaine et Fidélité familiale.
Il m’en souvient — voici soixante déjà, c’était hier — après la messe célébrée en notre église, à laquelle il avait assisté, le père de notre ami défunt, Maxime de Dumast nous rejoignait pour partager le petit-déjeuner avec le Recteur, Mgr Achille Glorieux, qui était le correspondant du journal La Croix à Rome et secrétaire de la Commission préconciliaire pour l’apostolat des laïcs créée par le nouveau pape Jean XXIII, dont j’étais le jeune collaborateur à la Secrétairerie d’État.
Maxime de Dumast, au cours du petit déjeuner, me faisait don d’une plaquette illustrée reprenant une causerie qu’il avait donnée à l’Association des Lorrains de Paris, le 19 juin 1959. Je l’ai rouverte pour préparer cette homélie, et j’ai redécouvert que les Lorrains fidèles avaient fondé – je cite – « il y a cinq ans », donc en 1954, une Association des Amis de Saint-Nicolas-des-Lorrains dont le siège est à Nancy, au 35 cours Léopold. Il nous est bon de nous remémorer cette histoire de fidélité que je résume à grands traits.
À l’époque où la Lorraine était une Puissance indépendante, ses Ducs entretenaient les rapports les meilleurs avec le Saint-Siège. De nombreux Lorrains habitaient Rome. Nos Romains, qu’on appelait « curialistes », rédigeaient et expédiaient des Brefs et Bulles innombrables. Eux et leurs familles ont atteint à un certain moment, en 1627, le chiffre incroyable de 6000 personnes.
D’abord regroupés en 1473 dans une Confrérie de Laïcs appartenant à diverses Nations au-delà des Alpes : France, Bourgogne, Lorraine, Savoie, Allemagne, Flandres, ils obtinrent du pape Grégoire XV, le 5 octobre 1622, d’avoir une église à eux. « Les Lorrains – dit la Bulle pontificale – Fils du vieux Royaume d’Austrasie, se distinguent de temps immémorial dans la Curie Romaine, tant à l’honneur de celle-ci et du Siège apostolique, par leur parfaite intégrité et leur dévouement infatigable. Aussi le pape est-il disposé à écouter leurs instances, toutes inspirées de leur dévotion envers saint Nicolas, Protecteur et Patron des Duchés de Lorraine et de Bar, et à leur donner un lieu commode et connu à Rome pour leurs réunions et les pieux exercices de leur Confraternité, à l’instar des autres Nations qui ont leur regroupement dans la Ville ». Et le pape donnait à perpétuité aux Lorrains la propriété pleine et entière de l’église Saint-Nicolas-in-Agone et de l’immeuble attenant. Du latin agone qui par déformation est devenu navone, notre actuelle Place Navone, qui occupe l’emplacement du stade de Domitien.
La construction de notre église commença en 1636, avec une façade au fronton triangulaire portant une Croix de fer forgé ornée de Croix de Lorraine et de fleurs de Lys, avec cette simple et fière inscription : « Édifiée en l’honneur de saint Nicolas par la Nation des Lorrains ».
Notre talentueux conférencier décrit avec bonheur les fresques de la voûte et de la coupole de Corrado Giaquinto, la Vierge de Guido Reni, les bas-reliefs qui représentent des scènes de la vie de saint Nicolas, le tableau du peintre lorrain, Nicolas de Bar, dit Nicolet ou Nicoletto. Le saint tient un livre ouvert où l’on peut lire : « La paix soit avec vous, je suis Nicolas votre protecteur ».
Maxime de Dumast termine sa conférence en citant parmi les membres fondateurs de notre Association le cardinal Eugène Tisserant, le Président Robert Schuman, les évêques de Nancy, Metz, Saint-Dié et Verdun, ainsi que les maires de Nancy et de Metz. Et il conclut par une invitation à rendre visite à l’église Saint-Nicolas-des-Lorrains et à s’y recueillir, dans la pensée de la petite patrie comme de la grande, de la Lorraine comme de la France, ce que nous faisons ce matin.
Nous invoquons avec ferveur saint Nicolas, né au IVe siècle à Patare en Lycie, en Asie Mineure. D’abord moine, puis Abbé, il devient évêque de Myre en Asie Mineure. Avec une grande charité il soulage les détresses corporelles et spirituelles. Son culte se répand en Occident après la translation de son corps à Bari en 1087, et particulièrement en Lorraine, quand le Chevalier Aubert, originaire de Port, rapporte une de ses reliques dans son pays, qui va devenir Saint-Nicolas-de-Port. En 1477, le duc René II proclame Nicolas, Patron de la Lorraine. Mais déjà en Orient, sa popularité, de longue date, l’a fait invoquer comme patron de la Grèce et de la Russie. Constantinople – aujourd’hui Istanbul – eut jusqu’à vingt-cinq églises dédiées à saint Nicolas ; et en Grèce, sur 4637 églises, 359 l’ont comme patron. Après la Grèce, la Grande-Bretagne lui a voué un culte extraordinaire. Patron des écoliers dans le nord de la France, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse, il vient de nuit déposer jouets et friandises dans la cheminée.
Une luxuriante légende dorée lui fait jeter nuitamment par la fenêtre, trois bourses d’or pour doter les trois filles d’un de ses voisins désargenté qui les destinait à la prostitution. Et nous avons tous chanté avec élan dans notre jeunesse : « Ils étaient trois petits enfants qui s’en allaient glaner aux champs ». Trois enfants, qu’un aubergiste avait assassinés et mis dans son saloir, trois petits enfants que le bon saint Nicolas vient ressusciter.
Ce sont pour nous autant d’incitations à la prière. Tant de petits enfants encore aujourd’hui – notre pape François nous le rappelle sans se lasser – sont affamés, violés, assassinés ; tant de jeunes femmes encore aujourd’hui vouées à la prostitution, tant de chrétiens encore aujourd’hui, persécutés en Asie Mineure et sur le pourtour du bassin méditerranéen.
Et nous prions avec ferveur pour la Lorraine et tout particulièrement pour notre regretté ami, le Baron Guerrier de Dumast. Que le Seigneur qu’il a si généreusement servi sur la terre, de la Lorraine à Rome, et singulièrement en notre église Saint-Nicolas-des-Lorrains, l’accueille en son paradis, qu’il repose dans la paix, la joie et la lumière.
Amen »