Cette nomination, rendue publique jeudi 12 mai, clôt quinze mois de blocage entre la France et le Saint-Siège depuis le départ de son prédécesseur Bruno Joubert et le rejet de la candidature de Laurent Stefanini.
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Publié avec l’accord de l’auteur : Sébastien Maillard (à Rome), le 12/05/2016 à 11h25
À 63 ans, Philippe Zeller devient ambassadeur de France au Vatican au terme d’un long et lisse parcours diplomatique.
Sur son précédent bureau d’ambassadeur, au Canada, il avait une carte de Hongrie en sous-main et un couple de statuettes d’Indonésie. Des souvenirs de précédents postes comme chef de mission diplomatique que Philippe Zeller pourrait emporter avec lui à Rome, à la Villa Bonaparte. Le nouvel ambassadeur de France près le Saint-Siège, dont le décret de nomination a été publié ce 12 mai, y arrivera début juin. Sa prise de fonction mettra fin à une vacance de quinze mois, assurée depuis par l’actuel « numéro deux » de cette ambassade atypique, François-Xavier Tilliette, désormais sur le départ.
Le Saint-Siège « reconnaissant envers le geste de la France »
Pour devenir ambassadeur de France près le Saint-Siège, il est préférable d’être catholique et en fin de carrière. C’est le double cas de Philippe Zeller qui, à 63 ans, prend le dernier poste d’un long parcours diplomatique. Cette expérience et le profil lisse de cet homme calme et pondéré, marié à une universitaire professeur d’allemand, Odile, père de deux enfants et grand-père d’un petit-fils, a convenu sans problème au Saint-Siège. L’agrément à sa nomination a été donné en trois semaines.
« Nous sommes reconnaissants envers le geste de la France », confie à La Croixle secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, qui avait été déçu à l’automne dernier que perdure aussi longtemps la vacance d’un poste prisé du Quai d’Orsay. En nommant le 6 avril, en conseil des ministres, Philippe Zeller, le gouvernement français a joué sur du velours. « C’est un homme rigoureux, scrupuleux, appliqué, dont la discrétion et l’efficacité devraient plaire aux monsignori », décrit son prédécesseur Bruno Joubert, sorti de la même promotion de l’ENA – « Pierre Mendès France » – que lui, en 1978.
Philippe Zeller, l’exemple-type de l’« homme du Quai »
Lorsqu’il entre cette année-là au ministère des affaires étrangères, Philippe Zeller commence un itinéraire qui en fera l’exemple-type de l’« homme du Quai ». Un pur produit d’une maison qu’il connaît bien de l’intérieur pour en avoir géré le budget puis toute l’administration générale. « Il a géré les carrières de beaucoup d’autres ambassadeurs », note un diplomate, qui apprécie sa quiétude à toute épreuve lui permettant de dissimuler une persévérance réputée tenace en négociation. En classique « homme du Quai » toujours, il est réputé aussi pour ses notes diplomatiques, longues et nuancées, où chaque terme est choisi avec soin.
Un exercice d’équilibre, plutôt du soir, que ce haut fonctionnaire a su jouer aussi en politique, dont il est toujours resté très distant. Hormis un passage au cabinet d’Hubert Curien, ministre de la recherche sous Mitterrand, au tournant des années 1980 et 1990. Philippe Zeller est d’abord un de ces grands commis de l’État, qu’il servit trois ans aussi comme préfet de l’Ariège. On ne prête ni faille, ni aspérité à ce « bon élève » qui a l’élégance, en représentation, de ne rien mettre dans ses poches pour ne pas déformer ses vêtements.
L’Église, souvent fréquentée « sur le terrain »
Sa seule déformation professionnelle est précisément de savoir apparaître parfaitement tout en maîtrise de soi. Et de garder ses opinions, comme sa vie privée, dans le revers de sa veste. Là où l’on connaît personnellement sa famille originaire d’Alsace est à Jujurieux, dans l’Ain. Enfant, il y a passé beaucoup d’étés dans la maison familiale. « Son père, Claude Zeller, a été 24 ans adjoint au maire », rappelle-t-on à la mairie de ce village non loin de Lyon, la ville natale de Philippe Zeller, où il a fait son lycée. Et qui a fait de cet amateur de football un supporteur indéfectible de l’Olympique lyonnais. Il se réjouit par avance de suivre le championnat italien. L’occasion en même temps de perfectionner un italien, dont il ne possède pour l’heure que des rudiments. De quoi nourrir aussi sa curiosité.
« J’aimais beaucoup feuilleter le dictionnaire des noms propres et m’émerveillais en découvrant des noms de pays », raconte-t-il pudiquement de son enfance, sans prétendre à une vocation diplomatique précoce. Rien ne destinait en effet ce fils de dirigeant d’assurances, diplômé d’HEC, à embrasser la fonction publique à laquelle il est toutefois resté fidèle depuis l’ENA. En restant également toujours respectueux de l’Église, qu’il a souvent fréquentée « sur le terrain ». Et qu’il s’apprête, à présent, à découvrir au sommet.